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Les textes fondateurs de l’Ancien Testament, entre littérature, histoire et archéologie

Sylvain Perrot, le 28 mars 2019

Comme Rome, la Bible ne s’est pas faite en un jour. Le texte que nous avons aujourd’hui est issu d’une longue tradition d’écriture et de traduction, dont nous ne maîtrisons pas encore tous les détails. L’Ancien Testament (46 livres) a été majoritairement écrit en hébreu ; le Nouveau Testament (27 livres) l’a été en grec. L’Ancien Testament raconte l’histoire du peuple hébreu. Abraham, originaire de Chaldée, part vers la « terre de Canaan », où son peuple s’installe. Dans les années 1050 avant Jésus-Christ, il existe un royaume d’Israël unifié dont le roi est Saül ; lui succèdent David et Salomon. En 930, le royaume se divise en deux parties : au Nord, le royaume d’Israël (capitale Samarie) et au Sud, le royaume de Juda (capitale Jérusalem). Le royaume d’Israël est dirigé à partir de 881 par Omri et ses descendants, qui chutent en 722 face aux armées assyriennes. Le royaume de Juda dure plus longtemps, car selon la Bible le roi Ezéchias a vaincu les armées assyriennes grâce à une intervention divine. Jérusalem est finalement prise en 589 par Nabuchodonosor II, qui déporte la population vers sa capitale Babylone. C’est la période de l’Exil où beaucoup de livres bibliques ont probablement été mis par écrit, notamment le Pentateuque. À partir de 539, le roi perse Cyrus II s’empare de la Palestine. Qu’est-ce que l’archéologie nous apprend sur ces événements bibliques ? Quelle incidence les découvertes archéologiques ont-elles eu sur notre lecture des Saintes Écritures ? Plongeons dans cette histoire…


Après avoir déchiffré les hiéroglyphes, Jean-François Champollion découvre en 1828 à Karnak un relief représentant le pharaon Sheshonq Ier soumettant des cités de Palestine, comme le rapportent le livre des Rois et celui des Chroniques : pour la première fois, une découverte archéologique confirme le texte biblique. Depuis, d’autres découvertes ont confirmé les campagnes de Sheshonq au Proche-Orient (une stèle de Megiddo et un sceau trouvé en Jordanie). Dans les années 1830, on trouve ce qu’on appelle des « pierres de foudre », en réalité des silex préhistoriques : on comprend alors que les occupations humaines ont laissé des vestiges qui s’accumulent les uns sur les autres comme des couches géologiques, ce qu’on appelle la stratigraphie. Jacques Boucher de Perthes pense que ces objets remontent aux temps antédiluviens, avant le Déluge raconté dans la Genèse. En 1838, Edward Robinson découvre à Jérusalem un tunnel que la Bible attribue au roi Ezéchias ; une inscription, trouvée plus tard dans le tunnel et datant d’Ezéchias, raconte que les mineurs, partis de chaque bout, se sont retrouvés en se repérant aux sons des pioches. C’est alors que commencent les fouilles des grands sites, notamment Jéricho. Peu après, on trouve la stèle de Mesha, roi de Moab, qui raconte avoir vaincu Omri après s’être révolté contre le royaume d’Israël : même si le point de vue est un peu différent, les faits se recoupent.


En 1872, George Smith parvient à déchiffrer des tablettes trouvées à Ninive, qui racontent le mythe du héros Gilgamesh, qui rencontre le sage Utanapishti, à qui les dieux ont octroyé l’immortalité : selon lui, les dieux étaient furieux contre l’humanité, qu’ils ont décidé de punir en déclenchant un cataclysme, mais le dieu Éa suggère à Utanapishti de construire un bateau et d’embarquer des couples de chaque espèce animale. À cette époque, on se demande si la Bible a copié cette légende ou l’inverse : aujourd’hui, on sait que l’épopée de Gilgamesh est bien antérieure au récit biblique. Elle raconte aussi la naissance d’Enkidu à partir d’eau et d’argile, comme le second récit de la Création. À l’époque, on ne savait pas encore que le monde est constitué d’une infinité d’atomes : Dieu nous parle avec une langue que l’on comprend, y compris par des histoires comme les paraboles du Christ, donc c’est une manière de nous expliquer le monde à un moment où la science n’a pas les moyens d’explorer l’univers comme aujourd’hui. Au moment de leur exil à Babylone, les Hébreux ont entendu l’histoire de Gilgamesh et l’ont adaptée à la Bible, comme l’épisode de la tour de Babel, inspirée de la ziggourat de Babylone, la tour qui dominait le temple de Marduk. En 1896, l’égyptologue Flinders Petrie découvre la stèle du pharaon Mérenptah, qui raconte sa victoire sur Israël, bien avant le règne de Saül. Dans les années 1920, on découvre à Ougarit (Syrie) des textes qui racontent l’histoire du dieu Baal : le vieux dieu El est fatigué, il veut donner la royauté à un autre dieu et choisit Yem, le dieu de la mer mais Baal s’y oppose et tue Yem, devenant ainsi le roi des dieux. Or la Bible emploie souvent pour Dieu le nom d’Elohim, qui est le pluriel de El. Pourquoi appeler Dieu avec un pluriel ? On pense alors que le monothéisme est né du polythéisme : on croit d’abord que Dieu est le plus grand de tous les dieux (ce qui explique certains passages difficiles de la Bible), puis que Dieu est unique. En 1993-1994, on trouve à Tel Dan une stèle qui mentionne la « maison de David » et en 2015 un sceau d’Ezéchias à Jérusalem, avec des motifs égyptiens, qui montrent que le roi de Juda était en relations avec le pharaon. Enfin, tout récemment, les autorités israéliennes ont annoncé avoir découvert un papyrus avec le nom de Jérusalem qui daterait du VIIème siècle avant Jésus-Christ, mais on ne peut exclure qu’il s’agit d’un faux.


Un des problèmes majeurs aujourd’hui est qu’on peut se servir de l’archéologie soit pour prouver que la Bible dit vrai soit pour montrer que les événements qui y sont racontés n’ont pas eu lieu. Il faut surtout se rappeler que le texte biblique est « parole révélée » et que l’Esprit a insufflé aux rédacteurs la volonté de construire l’histoire du peuple juif en utilisant les moyens de l’époque pour comprendre le monde. Il ne faut certes pas prendre la Bible à la lettre, mais ce qu’elle raconte est bien un discours de vérité, celui de l’alliance de Dieu avec son peuple. C’est une des principales missions aujourd’hui de l’École biblique archéologique française de Jérusalem, fondée par le père dominicain Lagrange en 1890, que de voir comment les découvertes archéologiques éclairent le texte biblique et nous permettent de mieux comprendre comment il s’est constitué dans le temps.

Communauté de Paroisses Catholiques Saint Joseph - Saint Benoît - Saint Jean Bosco

KOENIGSHOFFEN - HAUTEPIERRE - HOHBERG - POTERIES

©2021 par Ela MVOLO pour la Communauté de Paroisses Catholiques Saint Joseph-Saint Benoit-Saint Jean Bosco de Strasbourg.

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